Mario Prassinos (1916-1985)
Peintre d'origine grecque, venu en France à l’âge de six ans, Prassinos appartient par sa famille et ses relations à un milieu d’intellectuels. Sa sœur, Gisèle Prassinos, jeune écrivain, fait partie du cercle des grands poètes de l’époque (André Breton, René Char, Tristan Tzara…). Mario Prassinos côtoie à Paris les personnalités les plus marquantes de la vie culturelle de son temps : des peintres (Max Ernst, Jean Arp , Dali, Picasso…), des éditeurs (les Gallimard, Paulhan), des hommes de théâtre (Charles Dullin, Jean Vilar…), il est aussi ami avec Raymond Queneau, dont il suit les recherches sur le langage et l’écriture. Placé au cœur des grands mouvements artistiques et littéraires de son époque, Mario Prassinos en a forcément subi les influences.
Si vers 1950 les débuts de sa carrière comme peintre-cartonnier sont assez classiques (passage de la peinture à la tapisserie, rencontre avec le "maître" Jean Lurçat, découverte du carton numéroté et du travail d’atelier à Aubusson…), son univers, en revanche, est unique. Pour en parler, on doit d’abord évoquer son travail graphique, et surtout ses encres de Chine. Ses recherches picturales l'ont amené à recréer au moyen de "signes" les émotions qu'il ressent au contact de certains éléments de la nature (les collines provençales qu'il aime parcourir en tous sens, les cyprès, le vol des oiseaux..). En tapisserie, cette écriture s'agrandit, devient monumentale, dépouillée, et peut prendre des accents dramatiques, surtout lorsque l'artiste use du rouge et d'oppositions volontairement brutales de noirs et de blancs. Ses compositions sont abstraites, loin de l’anecdote décorative ; elles naissent souvent de formes étranges, qui une fois assemblées, prennent un sens ou évoquent une émotion.
Fidèle aux mêmes lissiers pendant toute sa carrière – ceux de l’atelier Goubely à Aubusson –, peu à peu Prassinos trouve un style et une gamme bien reconnaissables, alternant zones de couleurs pures et zones retravaillées à l’aide des procédés de tissage : hachures, piqué, chiné… qui ne sont pas sans rappeler d’ailleurs le pointillisme de ses encres de Chine. Les titres shakespeariens qu’il choisit souvent pour ses tapisseries les auréolent de romanesque : Roméo et Juliette, Falstaff, King Lear, Macbeth, Le Songe d’une nuit d’été…
Son passage à Aubusson a marqué l'esprit des lissiers (et particulièrement des lissières !) de l'époque : "C'était un rayon de soleil qui rentrait dans l'atelier, Prassinos" (Bernadette Lyraud, ancienne lissière chez Goubely, extrait du film "Tissage d'humanité", 2012).
Carton pour la tapisserie Sainte-Barbe, annoté par Mario Prassinos.
En 1984, du vivant de l’artiste, le musée de la Tapisserie a organisé à Aubusson une exposition rétrospective avec le catalogue de toutes ses tapisseries (1951-1980).
En 2017, la Cité de la tapisserie lui a consacré l'exposition estivale à l'Église du Château de Felletin. Ses œuvres sont présentées régulièrement dans le parcours de la Nef des Tentures de la Cité internationale de la tapisserie, qui retrace six siècles d'histoire de la tapisserie à Aubusson.
Une Fondation Donation Mario Prassinos existe à Saint-Rémy-de-Provence depuis 1985.
Pour aller plus loin
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