Les manufactures Sallandrouze
Comme en témoigne encore aujourd’hui le patrimoine architectural subsistant, les Sallandrouze font partie des familles les plus illustres dans l’industrie des tapis, de la moquette et de la tapisserie à Aubusson. Toutefois, nous devons distinguer les deux branches de la famille connue sous le nom des Sallandrouze : d’une part, les Sallandrouze de Lamornaix, actifs du début du XIXe siècle jusqu’aux années 1870, et d’autre part les Sallandrouze Lemoullec, dont l’activité s’exerce du milieu du XIXe siècle jusqu’aux années 1990.
Sallandrouze de Lamornaix
Jean Sallandrouze de Lamornaix est le premier membre de la famille à connaître un succès conséquent dans l’industrie du tapis et de la tapisserie. Ainsi, dès la première exposition nationale des produits de l’industrie à Paris en 1802, l’entreprise Rogier et Sallandrouze, née de l’association entre Jean Sallandrouze de Lamornaix et le maire d’Aubusson Guillaume Rogier, est récompensée. En plus de sa manufacture alors située sur l’actuel emplacement de la manufacture Saint-Jean à Aubusson, Jean Sallandrouze de Lamornaix ouvre une manufacture de tapis velours dans le quartier du Marais, à Paris. Son fils, Charles Sallandrouze de Lamornaix, prend ensuite la succession de l’entreprise à partir de 1826 et devient un industriel important au XIXe siècle. En parallèle des ateliers à Aubusson, il acquiert l’hôtel Montholon à Paris pour y installer une boutique dans le nouveau quartier à la mode des Grands Boulevards. Charles Sallandrouze de Lamornaix est aussi impliqué dans la politique et est élu conseiller général de la Creuse à partir de 1841, député à plusieurs reprises à partir de 1846, et enfin maire d’Aubusson. Il publie également plusieurs ouvrages dont les Considérations sur la législation des brevets d’invention, en 1829. Charles Sallandrouze de Lamornaix participe activement aux expositions universelles du XIXe siècle. À cet effet, en 1851 à Londres, il est commissaire général et, à ce titre, responsable de la direction française de l’exposition par délégation. En 1855, il est vice-président du jury à l’exposition universelle parisienne.
À la mort de Charles Sallandrouze de Lamornaix, le fils du fabricant, Octave Sallandrouze de Lamornaix prend la succession de l’entreprise. Ses tapis et tapisseries rencontrent également un vif succès à l’exposition universelle de 1867. Après la défaite de la France face à la Prusse en 1870, dans un contexte de crise économique, l’usine Sallandrouze de Lamornaix ferme en 1872. Ses bâtiments sont rachetés par la famille Hamot, qui y développe une prestigieuse manufacture de tapis et tapisseries qui deviendra plus tard la Manufacture Saint-Jean.
Sallandrouze Lemoullec
Dans la branche cadette de la famille des Sallandrouze, nous trouvons le cousin de Charles Sallandrouze de Lamornaix, Alexis Sallandrouze. Celui-ci est connu pour la célèbre Tapisserie à l’éléphant, actuellement conservée au musée du Louvre. Un autre cousin de Charles Sallandrouze de Lamornaix, Jean-Jacques Sallandrouze Lemoullec, connaît un succès retentissant dans l’entreprise qu’il avait créée avec Charles Sallandrouze. Ils remportent ainsi des médailles d’argent aux expositions universelles de 1855 et de 1867 sous le nom de Sallandrouze Jean-Jacques et Charles, puis de Jean-Jacques Sallandrouze père et fils. Ils industrialisent la production de tapis mécaniques et de moquettes, grâce à l’installation de métiers à vapeur alimentés par l’eau de la Creuse. Les ateliers de production, installés dans un premier temps à Felletin, sont déplacés à Aubusson. L’entreprise qui prend ensuite le nom de Sallandrouze frères, remporte de grandes médailles aux expositions universelles de 1878 et de 1889. Elle fait construire un imposant bâtiment en L pour abriter les moulins hydrauliques Mirabeau utilisés pour la filature à Felletin. Sallandrouze frères localisent ensuite la totalité de leur production à Aubusson, dans la nouvelle usine construite en 1885 dans le quartier Saint-Jean. L’entreprise, qui emploie 800 ouvriers à la fin du XIXe siècle, produit des tapis et des moquettes uniquement sur des métiers mécaniques.
Au XXe siècle, l’usine est alimentée par l’énergie provenant de la centrale hydro-électrique de la Croix Blanche et du barrage des Combes*. À partir des années 1920, d’exceptionnels sheds en béton à toitures courbes sont construits par la société fondée par l’ingénieur béton armé François Hennebique, véritable précurseur de l’architecture béton. L’entreprise est ensuite partiellement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, en juillet 1944, avant d’être reconstruite dans une architecture en sheds également. L’entreprise Sallandrouze frères cesse son activité dans les années 1990 et devient Manufacture Royale du Parc. Les bâtiments de l’usine sont entièrement détruits et rasés en 2014. Le château Sallandrouze, transformé pendant quelques années en hôtel de luxe, le château Saint-Jean qui abrite actuellement la maison de retraite d’Aubusson et la villa Saint-Jean, dans laquelle sont installés des locaux d’EDF-GDF, témoignent encore aujourd’hui de la richesse et de l’importance de la famille Sallandrouze dans la ville d’Aubusson aux XIXe et XXe siècles.
L’entreprise Manufacture Royale du Parc continue pour sa part son activité dans des locaux situés dans le quartier de la Beauze et produit des tapis et moquettes sur mesure pour les établissements hôteliers les plus luxueux, les compagnies de transports aériens et ferrovières.
D’après Juliette Ronsin
* L’exposition « Énergie et bâtisseurs », organisée par l’association Les Maçons de la Creuse, célèbre le centenaire de la construction du barrage des Combes, à Felletin, du 14 juillet au 30 septembre 2017. Pour en savoir plus, découvrez le site de l’association Les Maçons de la Creuse.