Le Mur et l'Espace
Magdalena Abakanowicz, Abakan rouge, 1969, 4 x 4 x 4 m. Collection Tate, Londres. © Foundation Magdalena Marta Abakanowicz Kosmowska and Jan Kosmowski. Photo : Stamm & Saxod, Lausanne.
Séismes dans la tapisserie aux Biennales internationales de Lausanne 1962-1969, du 28 juin au 6 octobre 2019.
La Cité internationale de la tapisserie à Aubusson s'associe avec la Fondation Toms Pauli de Lausanne pour proposer une exposition internationale consacrée aux débuts des Biennales de Lausanne dans les années 1960, et le "séisme" qu'elles provoquent dans l'art de la tapisserie et son histoire mondiale. L'exposition se tient dans les salles du centre Jean-Lurçat à Aubusson, un espace conçu pour la tapisserie monumentale.
Un sismographe devenu séisme
L’exposition rend compte des métamorphoses rapides qui eurent lieu en l’espace de sept ans, de 1962 à 1969, dans le paysage de la tapisserie au niveau mondial. Les concepts, règles, usages et techniques en vigueur depuis la deuxième Guerre mondiale furent radicalement remis en cause par les premières Biennales de la tapisserie de Lausanne. Conçues par Pierre Pauli, son épouse Alice et Jean Lurçat, alors à l’apogée de sa renommée, ces manifestations internationales avaient pour but de présenter l’actualité de la tapisserie murale. Très rapidement, cependant, ces biennales devinrent l’épicentre d’un séisme apparemment destructeur de la tapisserie dite "traditionnelle" et le creuset d’une nouvelle approche plus libre et s’ouvrant vers le tridimensionnel.
Les créatrices changent la donne
La remise en cause arriva par de jeunes créateurs et créatrices, notamment de Suisse et d’Europe centrale et de l’est, qui dès la première édition en 1962 allaient apporter un changement fondamental en questionnant le principe du duo artiste/artisan (le créateur du projet face au détenteur du savoir-faire). Alors que la tapisserie de lisse était jusque-là principalement portée par des artistes masculins, ce changement de paradigme ouvrit la porte à de jeunes plasticiennes cumulant les deux rôles. Les artistes femmes devinrent majoritaires dès 1967 aux Biennales de Lausanne et le restèrent, jusqu’à aujourd’hui encore, dans le mouvement du Fiber Art.
La libération du mur
En ouvrant la porte aux tissages et aux broderies, la deuxième Biennale de 1965 fit voler en éclats le monopole technique traditionnel et entraîna la "querelle de Lausanne" entre les français et l’organisation suisse. Alors que la tapisserie murale se tournait vers la recherche de textures, des artistes de plus en plus nombreux explorèrent les possibilités tridimensionnelles qu’offrait le medium. La Biennale de 1967 apporta les prémices de l’émancipation du support mural, notamment par la colonne de la Suisse Elsi Giauque, première œuvre textile suspendue dans le vide. L’édition de 1969 entérina ces bouleversements avec de nombreuses pièces qui s’affranchissaient du mur pour devenir sculptures textiles. Montrée la même année à Paris dans les locaux de la manufacture des Gobelins, cette exposition familiarisait ainsi le public français à ces nouvelles expressions textiles. À partir de 1970, les différents courants purent cohabiter et explorer leurs voies propres à leur façon, se croiser, mais rarement s’hybrider.
Les œuvres réunies pour l'exposition
Fruit d'un travail de recherche à l’international, environ 35 tapisseries seront réunies, les exemplaires mêmes qui avaient été accrochés aux cimaises lausannoises à l’époque.
Le choix des œuvres illustre la production murale française classique à travers Lurçat et ses amis peintres-cartonniers (Prassinos, Tourlière), ainsi que certains grands peintres tissés par les manufactures nationales ou les ateliers d’Aubusson (Picasso, Delaunay, Estève). D’autres tapisseries de lisse montrent la diversité de la production européenne et américaine (Somville, Rousseau-Vermette, Yoors, Adams, Scholten).
En regard, figurent les artistes polonais qui ont marqué les esprits (Abakanowicz, Owidzka, Sadley) ainsi que les premières créations tridimensionnelles (Giauque, Jobin, Abakanowicz, Daquin, Lindgren).
Elsie Giauque, Élément virtuel spatial, 1969. Collection MUDAC Lausanne.
De la tapisserie au Fiber Art
Publié fin 2017 et rédigé par Giselle Eberhard Cotton et Magali Junet par la Fondation Toms Pauli, l'ouvrage couvrant l'ensemble des Biennales de Lausanne, De la tapisserie au Fiber Art. Les Biennales de Lausanne 1962-1995, sera mis à disposition.
Commissariat de l'exposition
Bruno Ythier, conservateur, Cité de la tapisserie, Aubusson, et Giselle Eberhard Cotton, directrice, Fondation Toms Pauli, Lausanne.