Le XXe siècle est une période de bouleversements, où la tapisserie conforte son lien avec la création d'avant-garde. Des institutions comme l’École Nationale d'Arts Décoratifs d’Aubusson et des personnalités comme Antoine-Marius Martin (directeur de l'École), Marie Cuttoli (collectionneuse et éditrice textile) y jouent un rôle de premier plan. Mais l’histoire a surtout retenu un nom : le peintre Jean Lurçat, fondateur du renouveau de la tapisserie à partir des années 1940.
L’École Nationale d'Art Décoratif d’Aubusson
En 1884, l’École municipale de dessin d’Aubusson fondée au XVIIIe siècle (dans le mouvement de réforme de la manufacture royale de tapisserie), devient École Nationale d’Art Décoratif aux côtés de celles de Paris et Limoges, avec un même directeur, Auguste Louvrier de Lajolais (1829-1908). Celui-ci s’appuie sur les professeurs de Paris pour fournir des modèles aux deux écoles de province.
L’École, dite ENAD, joue un rôle considérable dans le renouveau de l’art et de la technique de la tapisserie au XXe siècle. L’École dispense des cours de tissage de basse lisse, de haute lisse et de broderie "sarrasine", connue aussi sous le nom de broderie au point d'Aubusson. Des artistes de renom fournissent des cartons : Pierre-Victor Galland (1822-1892), peintre décorateur ; Charles Genuys (1852-1928), architecte en chef des monuments historiques ; Henry de Waroquier (1881-1970), peintre et graveur, professeur à l’école Estienne à Paris.
L'École d'Art Décoratif renouvelle la tapisserie
Dès 1917, le nouveau directeur de l’École d’Aubusson, Antoine-Marius Martin (1869-1955), souhaite faire évoluer l’art de la tapisserie :
- Renouveler les modèles en allant chercher différents peintres de son époque notamment des postimpressionnistes ;
- Retenir dans les tapisseries médiévales des caractéristiques transposables à la modernité : réduire le nombre de couleurs, tisser avec des fils beaucoup plus gros, utiliser une écriture technique affirmée (battages, rayures, liserés, etc.).
Il remplace les cartons peints (modèles pour les lissiers), par des cartons à l’encre dits "à tons comptés ", qui sont désormais des dessins au trait délimitant les différentes surfaces de couleurs.
Ainsi, très tôt, il va théoriser et publier les principes de ce qu’il appelle la Rénovation de la tapisserie, 20 ans avant l’artiste Jean Lurçat, considéré depuis les années 1940 comme l’inventeur de cette Rénovation.
Exposition internationale des Arts Décoratifs, Paris, 1926
En 1925, Antoine-Marius Martin, directeur de l’École d’Aubusson, présente ses recherches de renouveau de la tapisserie sur un stand au Grand Palais lors de la prestigieuse Exposition internationale des Arts Décoratifs. Le public y découvre des travaux d’élèves totalement inédits, s’étonne de la grosseur des fils employés mais entrevoit aussi la modernité de ces jeunes créations.
Les peintres cartonniers
Le successeur d'Antoine-Marius Martin, Élie Maingonnat (1892-1966), poursuit jusqu’en 1958 la même dynamique, avec dès 1937 l’artiste Jean Lurçat et ses suiveurs.
Les nouvelles recherches conduites au sein de l’École Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson durant les années 1920 débouchent sur un mouvement de peintres connaissant les techniques de la tapisserie et qui sont auteurs de leurs propres cartons adaptés au tissage. Ainsi, l’interprétation textile, base de l’art de la tapisserie, est ici fortement maîtrisée par l’artiste.
Les débuts de Jean Lurçat (1892-1966) à Aubusson
Au début du XXe siècle, Jean Lurçat est un artiste rattaché au mouvement surréaliste. Sa peinture connaît un certain succès, sa mère et sa première épouse (Marthe Hennebert) lui réalisent des tapisseries monumentales à l’aiguille.
Pour l’éditrice et collectionneuse Marie Cuttoli, il dessine des tapis et un premier carton de tapisserie est tissé à Aubusson en 1931. En 1937, il découvre le travail innovant de l’École Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson, ainsi que la tenture du 16e siècle, dite d’Anglards-de-Salers, qui l’impressionne. L’année suivante, il est profondément marqué par la tenture de l’Apocalypse à Angers. En 1939, le directeur des Manufactures nationales, Guillaume Janneau, lui confie la commande d’un ensemble mobilier avec tapisserie (tissé aux Gobelins) et une mission à Aubusson : trouver un nouveau genre de décor. Les modèles créés sont remarqués par la force de leur expression et par leurs couleurs vives, peu nombreuses.
Jean Lurçat relance la production des ateliers
Jean Lurçat est un grand acteur du renouveau de la tapisserie au XXe siècle. Il a joué un rôle économique particulièrement important par le nombre de commandes qu’il a suscitées, contribuant à une relance des ateliers et à de nombreuses embauches.
Il a par ailleurs très fortement médiatisé Aubusson et a amené à la tapisserie de nombreux autres artistes (Dom Robert, Marc Saint-Saëns, Mario Prassinos, Robert Wogensky, Michel Tourlière, Mathieu Matégot, etc.), créant une très forte émulation à Aubusson.
Ses tapisseries aux couleurs très vives ont le plus souvent un caractère monumental destiné à habiller les architectures modernes. Son univers symbolique joue sur les quatre éléments, les règnes végétal et animal, la place de l’homme dans le cosmos. L’artiste met en image des écrits poétiques (d’Éluard, Aragon, Tzara, Desnos, etc.) et revendique dans ses tissages l’engagement de la Résistance dans la Seconde Guerre mondiale. Son graphisme est caractéristique et certains motifs comme les soleils et les coqs en sont des incontournables.
Le rôle de Marie Cuttoli, éditrice de tapisseries
Marie Cuttoli (1879-1973) est une femme de forte personnalité, collectionneuse des avant-gardes du début du XXe siècle, amatrice de tapisseries et marchande d’art. Elle ne s’intéresse pas aux artistes "officiels" de l’École Nationale d'Arts Décoratifs à Aubusson. Profitant de la nomination de son mari, Paul Cuttoli, comme préfet en Algérie, elle y installe une manufacture de tapis, Myrbor. Elle confie la création des modèles à des artistes contemporains (Fernand Léger, Jean Lurçat).
À partir de 1928, elle fait réaliser des tapisseries d’Aubusson en passant commande à plusieurs artistes : Lucien Coutaud, Jean Lurçat, Georges Rouault, Pablo Picasso, Georges Braque, Le Corbusier, Raoul Dufy, Man Ray, etc. Elle fait notamment travailler l’atelier Marcelle Delarbre à Aubusson. Les tissages partent immédiatement vers sa collection parisienne, ou vers les États-Unis où elle organise en 1939, une importante exposition itinérante avec l’aide du collectionneur Albert Barnes et de la conservatrice du musée de San Francisco. Cette exposition et les catalogues qui l’accompagnent vont développer une clientèle américaine sensibilisée à la tapisserie des peintres de l’avant-garde française. L'impact est tel qu'aujourd'hui encore, aux États-Unis, "aubusson" est souvent employé comme nom commun pour désigner un tapis ras.
Les tapisseries de peintres : de grands artistes font tisser à Aubusson
Il existe alors un second courant qui marque le XXe siècle, avec des artistes qui font réaliser ponctuellement des tapisseries et se lient au besoin à un cartonnier chargé d’adapter leur œuvre d’origine à la tapisserie d’Aubusson.
Pierre Baudouin, un interprète au service des artistes
Pierre Baudouin (1921-1970) est artiste, enseignant à Aubusson et à Paris au lycée de Sèvres. En 1946, il découvre la tapisserie et s’éprend de la problématique de la transcription textile d’une œuvre artistique non conçue au départ pour devenir un tissage. Il devient un spécialiste dans ce domaine en mettant au point les cartons de tapisseries à partir d'œuvres originales (souvent des estampes ou des peintures de petits formats). Il choisit la texture des tissages (grosseur du point) et dirige la teinture des laines.
Il travaille tout d’abord avec Henri-Georges Adam puis pour Le Corbusier, dont il devient l’assistant dans la réalisation d’œuvres tissées. Il met au point des cartons pour Georges Braque, Alexander Calder, Jean Arp, Pablo Picasso, André Beaudin, Max Ernst, Maurice Estève, Charles Lapicque, etc. Les tissages sont des transpositions subtiles et pertinentes. Grâce à l’intelligence et à la justesse du travail d’adaptation de Pierre Baudouin, les artistes sont toujours restés pleinement auteurs de leurs œuvres tissées.
La galerie Denise René, engagée dans l'abstraction
En 1951, Denise René, galeriste à Paris spécialisée dans l’art abstrait et l’art optique, commence à éditer des tapisseries avec la volonté de créer des pièces inédites et expérimentales. Pour produire ces œuvres nouvelles, elle entre en relation avec François Tabard, chef de l’un des plus importants ateliers de tapisseries d’Aubusson.
La cheville ouvrière de cette aventure est Victor Vasarely, peintre de l’art optique. C’est lui qui établit pour lui-même et pour les artistes, les cartons à partir des maquettes originales en utilisant la technique de l’agrandissement photographique.
Les artistes habituels de la galerie sont Dewasne, Deyrolle, Herbin, Magnelli, Mortensen, Pillet, et Vasarely, associés à des célébrités telles que Arp, Taeuber-Arp, Kandinsky, Léger, Le Corbusier. Après une première exposition en juin 1952, plusieurs autres ont lieu à Paris ou New York, incluant encore de nouveaux artistes comme Albers, Agam, Sonia Delaunay, Van Doesburg, Bloc, etc. La tapisserie abstraite connaît là un plein développement.
Les minitapisseries
En 1960, Pierre Baudouin (cartonnier) et Jacques Lagrange (artiste) organisent une exposition de tapisseries coptes prêtées notamment par le Louvre, à la Galerie d’Aubusson (rue de Grenelle à Paris) avec André de Persine, propriétaire des lieux.
Frappés par la puissance plastique émanant de ces petits formats, ils convainquent plusieurs artistes de créer des projets de petites tailles : Arp, Braque, Calder, Edelmann, Gischia, Lagrange, Picasso...
Les tissages de ces petits formats débutent dès 1960. Ils sont techniquement exigeants, car à cette échelle la moindre imperfection peut être visible.
La transformation de l'ENAD d'Aubusson
À la fin des années 1960, Michel Tourlière (1925-2004) fait construire le bâtiment actuel de l’ENAD d'Aubusson, avec le projet d’une institution appuyée sur l’excellence de la formation de lissier et une grande ouverture à l’international. Dans les années 1990, fusionnée avec celle de Limoges, l'ENAD d'Aubusson s’engage dans le cadre d’une concurrence européenne des écoles de création, ne retenant pas la perspective du design textile comme évolution possible de l’enseignement de la tapisserie. Les ressources pédagogiques sont par la suite transférées à Limoges, aboutissant à la fermeture inéluctable de l’établissement. Le bâtiment connaît aujourd'hui un nouveau souffle à travers la création de la Cité internationale de la tapisserie.
Le XIXe siècle est marqué par l’émergence de grandes manufactures, dirigées par des capitaines d’industrie. La décoration intérieure prend de l'importance dans les expositions des produits de l’industrie puis aux expositions universelles, au cours desquelles les manufactures présentent leurs plus belles réalisations.
La période révolutionnaire provoque une forte crise de l’activité. Mais dès le début du XIXe siècle la reprise est spectaculaire avec le développement de grandes manufactures qui regroupent pour la première fois tous les savoir-faire nécessaires à la réalisation des tapis et tapisseries, depuis la peinture des cartons/modèles, la teinture, jusqu’au tissage. La famille Sallandrouze est à l’origine de cette industrialisation avec la plus grosse entreprise.
Le siècle est ainsi marqué par de grands établissements qui vont désormais dominer les petits ateliers et laisser une empreinte architecturale dans la ville.
En essor continu depuis le milieu du XVIIIe siècle, la production de tapis au point noué et de tapis ras s’intensifie pour dépasser celle des tapisseries murales. Au début de la décennie 1860, 2220 ouvriers sont occupés à la production de tapis à Aubusson. Les tissages d’ameublement (garnitures de fauteuils, de canapés, rideaux, écrans de cheminée, etc.) connaissent eux aussi un fort développement.
Paradoxalement, l’histoire du tapis et de la tapisserie au XIXe siècle reste à écrire avec une production éclectique encore mal connue (néoclassique, néo-gothique, orientaliste).
La création de l’École Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson en 1884, l'une des trois premières en France avec celles de Paris et de Limoges, marque un nouvel essor.
Après la période difficile de la révocation de l'édit de Nantes à la fin du XVIIe siècle, le XVIIIe siècle et son nouveau souffle décoratif est une période de prospérité commerciale pour les manufactures.
La réforme de la Manufacture royale
À la suite de la révocation de l’Édit de Nantes la manufacture est très mal en point : mauvaise qualité des tissages et des teintures, faible niveau artistique des cartons.
Durant les années 1720, l’administration royale met en œuvre avec la profession, une profonde réforme de la manufacture royale qui aboutit à de nouveaux statuts en 1731. Ce qui permet d’engager un véritable essor technique, artistique et commercial de la manufacture qui rayonnera sur l’Europe entière.
Un peintre du roi est enfin nommé à Aubusson pour y apporter annuellement ses nouveaux cartons inspirés de l’actualité artistique parisienne : Jean-Joseph Dumons (1687-1779). La production de tapisserie s’appuie alors sur l’adaptation de grands modèles créés par Boucher, Watteau, Oudry ou Huet.
Rapidement la prospérité retrouvée amène les fabricants à se procurer leurs propres modèles, auprès d'artistes d'Aubusson comme Finet, Barraband ou Roby, qui réalisent bientôt eux-mêmes des cartons en grisaille – peinture ton sur ton, en camaïeu, utilisant plusieurs niveaux de gris, du blanc au noir, pour donner une illusion de relief. L’offre artistique se diversifie.
Le goût se transforme complètement par rapport au XVIIe siècle, les nouvelles compositions sont plus simples, créées avant tout dans un souci décoratif. Le siècle des Lumières préfère aux grandes scènes héroïques des sujets plus profanes : des paysages champêtres et riants, du pittoresque, des verdures et scènes orientales (les "chinoiseries"), des scènes colorées de jeux d'enfants ou de la vie paysanne... La mythologie est réadaptée dans un style galant, on cherche plus à plaire et à émouvoir.
L’histoire de cette production semble correspondre au développement de plusieurs activités artisanales dans le Massif central (coutellerie, papeterie, armurerie, soierie et un peu plus tard dentelle). Si les origines flamandes sont incertaines, les tapisseries marchoises pourraient découler de la reconversion de l'industrie drapière locale en un artisanat d'art.
Les millefleurs
Production typique du XVe siècle, les millefleurs se distinguent par un décor de petites touffes de fleurs ou des feuilles, sur fond uni ou plat. En général, une scène centrale vient se plaquer sur ce fond. Ces pièces ne comportent pas de perspective. Dans les collections de la Cité de la tapisserie, la Millefleurs à la licorne qui ouvre le parcours de visite de la "Nef des tentures" constitue la plus ancienne tapisserie marchoise connue à ce jour.
Rédigé en 1514 après la mort de Charlotte d'Albret, l'épouse de César Borgia, l'inventaire des biens se trouvant au château de La Motte-Feuilly (Indre) mentionne plus de 70 tapisseries de Felletin dont plusieurs "à menus feuillages" évoquant les millefleurs.
Les verdures à feuilles de choux au XVIe siècle
Vers 1530, apparaît un nouveau genre de tapisseries, d’abord dans les Flandres, puis dans la région d’Aubusson : les verdures dites « à feuilles de choux », « à grandes feuilles », « à feuilles renversées » ou « à aristoloches ».
Le sujet principal de ces tapisseries est une nature sauvage, au caractère mystérieux et inhospitalier, peuplée d’animaux réels ou fantastiques. La civilisation y est toujours évoquée dans le lointain par la présence d’habitations, tandis qu’un plan central est envahi par d’imposantes feuilles, lieu de combats et d’apparition d’animaux sauvages. Au premier plan, la végétation illustre généralement une orée plus hospitalière avec la présence courante d’arbres émondés, d’arbres fruitiers, et de petites fleurs. Dans ces tapisseries ne figurent presque jamais de personnages humains, elles restent l’illustration d’un univers impénétrable, végétal et animalier situé à la frontière de celui des hommes. D’autres œuvres de ce style sont notamment exposées dans la région, notamment au château de La Trémolière à Anglards-de-Salers dans le Cantal, où est conservée une tenture de dix pièces, probablement tissée en 1586 à l'occasion du mariage de Renée de Chaslus d'Orcival et Guy de Montclar-Montbrun. Cette tenture est classée monument historique.
Début du XVIIe siècle : les tapisseries tirées de romans à succès
Dans la première moitié du XVIIe siècle, les romans sentimentaux rencontrent un grand succès public.
Les lissiers de la région accompagnent cette popularité en proposant des séries de tapisseries tirées des éditions illustrées de ces ouvrages (tels que L'Astrée de Honoré D’Urfé, Pastor fido de Guarini, Diane de Jorge de Montemayor, etc.).
Jusque vers 1640, ils en reprennent les personnages et les placent sur des arrière-plans hérités des verdures à feuilles de choux ou des scènes de chasse.
Les tapisseries à vases de fleurs : une production méconnue (1620-1635)
L’enthousiasme des Flamands pour les fleurs est célèbre : peintures, estampes, broderies, soieries, dentelles, etc., développent ce thème iconographique. Des bouquets riches, parfois improbables car mêlant des fleurs ne s’épanouissant pas à la même saison, s’étagent depuis de somptueux vases, chefs-d’œuvre d’orfèvrerie.
Les tapisseries d’Aubusson participent à cette brève mode décorative de 1620 à 1635.
Elles sont tissées sur fond noir ou sur fond blanc.
Les grandes tentures du XVIIe siècle
Un ensemble de tapisseries sur le même sujet est appelé une « tenture ». Ces tissages, souvent de 6 à 8 pièces, peuvent compter plus de 12 ou 14 tapisseries assorties. Une tenture de laine permet tout autant de décorer richement une demeure, que de garder la chaleur à l’intérieur d’une pièce et couper le rayonnement froid des pierres. L’ensemble se démonte aisément pour être transporté vers un autre lieu. L’importance des surfaces tissées permet le déroulement narratif d’une histoire (récits bibliques, mythologiques ou littéraires). Depuis le XVIe siècle, estampes et peintures servent de modèles aux tapisseries produites dans la région d'Aubusson.
En septembre 2009, la tapisserie d’Aubusson a été inscrite sur la liste représentative du "Patrimoine culturel immatériel de l’humanité" par l’Unesco.
La tapisserie d'Aubusson a ainsi sa place parmi toutes les traditions ou les expressions vivantes héritées des ancêtres et transmises aux descendants reconnues par l'Unesco : traditions orales, arts du spectacle, pratiques sociales, rituels et événements festifs, connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou connaissances et savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel.
Extrait de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée par l’Unesco le 3 novembre 2003 : « On entend par “Patrimoine culturel immatériel” les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés […]. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité […]. »
Le projet d’inscription de la tapisserie d’Aubusson sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco a été porté entre 2008 et 2009 par le sous-préfet d'Aubusson Bernard Bonnelle, en lien étroit avec Michèle Giffault, alors conservatrice du musée départemental de la tapisserie, et son centre de documentation.
Il s’agissait pour l’État de faire face à la fragilité de la filière et de répondre à la nécessité d’assurer la transmission du savoir-faire, qui était en péril.
Cette reconnaissance des savoir-faire de la tapisserie d’Aubusson repose sur deux axes essentiels :
- L’existence d’une communauté professionnelle qui maintient complète, depuis plus de cinq siècles, la filière de production.
Tous les savoir-faire nécessaires à la production de tapisseries d’Aubusson sont encore présents sur le territoire. Elle comprend deux des quatre filatures qui existent en France, des teinturiers, trois manufactures, huit ateliers, des cartonniers, des restaurateurs, etc. Avec une particularité : sur un petit territoire, ce savoir-faire s’enrichit du fait que tous ces professionnels échangent, accumulant ainsi une expérience collective.
- Le travail d’interprétation des lissiers pour réaliser une tapisserie à partir d’une maquette de créateur.
Produire une tapisserie est un travail "à quatre mains" qui naît des échanges entre le créateur, auteur d’une intention artistique, et le lissier, détenteur du savoir-faire.
Pour les pouvoirs publics, la Cité internationale de la tapisserie, par ses différentes composantes (formation, musée, création contemporaine, accompagnement de la filière professionnelle) constitue une réponse à cette labellisation.
Cette labellisation semble, à l’heure actuelle, être un facteur très positif pour l’aboutissement du projet. Il est en effet porteur d’une éthique de fonctionnement forte qui permet une responsabilisation des acteurs pour construire un projet fédérateur.