Aubusson tisse Tolkien : la genèse

Carré d'Aubusson

La collection "Carré d’Aubusson" a l’ambition d’initier et de produire une série d’œuvres contemporaines en tapisserie, à l’échelle de l’habitat et du décoratif, d’une surface carrée d'environ 3,5 m² (1,84 m x 1,84 m), en lien étroit avec des galeries.

 

Contrepoint aux appels à projets monumentaux que la Cité de la tapisserie réalise par ailleurs, chaque carré de tapisserie, par sa valeur patrimoniale et contemporaine, fera figure d’écran textile, de fenêtre picturale, de paysage tissé...

Dans cet ensemble particulier, la force décorative renoue avec l’usage traditionnel de la tapisserie, produit mobile et mobilier vertical, à échelle domestique : un format à la valeur immersive et, paradoxalement, à la mesure du quotidien.

La collection a pour objectif de mettre en œuvre des productions destinées à des accrochages de la sphère de l'intime. La sélection des artistes contemporains, dont la traduction du langage plastique interroge avec pertinence l’écriture du point de tapisserie, du textile dans son actualité et des qualités intrinsèques d’une image qui apparaît dans l’étoffe par le biais d'une transcription spécifique, viennent actualiser le médium.

Cette série d’œuvres se pense, dès la conception, au regard de la technique patrimoniale d’Aubusson et développe une vision prospective de la place de la tapisserie, interroge la qualité narrative, figurative, prise dans les enjeux actuels tels que le numérique, les questions de représentation, de dimensions et de définitions du visible.

Le premier artiste sollicité pour rejoindre le Fonds contemporain de la Cité de la tapisserie pour la collection "Carré d'Aubusson" est Raùl Illarramendi, dans le cadre d'une convention signée avec la galerie Karsten Greve (Paris).

Jean-Baptiste Bernadet signe le deuxième Carré d'Aubusson, grâce à un partenariat conclu avec la galerie Almine Rech.

Le troisième Carré de la collection sera tissé à partir de l'oeuvre d'Amélie Bertrand en partenariat avec la galerie Semiose.

Le quatrième artiste à réaliser une de ses œuvres en tapisserie d'Aubusson est Romain Bernini avec After Laugher Comes Tears, dans le cadre d’une collaboration entre la Galerie Suzanne Tarasieve et la Cité internationale de la tapisserie. 

La production de la collection "Carré d'Aubusson" est accompagnée par la Fondation Bettencourt Schueller dans le cadre de l'attribution du Prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main® - Parcours 2018.

Past exhibition

Premières de cordée

Du 17 June 2018 au 23 September 2018

Une exposition inattendue !

Pour l’été 2018, la Cité de la tapisserie réinvestit les salles de l’ancien musée départemental de la tapisserie avec une exposition originale consacrée aux tapisseries brodées d’artistes entre 1880 et 1950. La présentation explore ainsi les origines de la Rénovation de la tapisserie au XXe siècle et met en avant les femmes restées dans l’ombre des artistes dont elles ont brodé les œuvres.

Bruno Ythier, conservateur de la Cité de la tapisserie, assure le co-commissariat de cette exposition aux côtés de Danièle Véron-Denise, conservatrice honoraire des textiles au musée du Château de Fontainebleau.

À la fin du XIXe siècle, les artistes d’avant-garde, séduits par l’esthétique de la tapisserie médiévale, cherchent à faire tisser leurs œuvres selon ces techniques. Mais celles-ci sont perdues et ces artistes n’ont ni la notoriété ni les moyens pour faire appel aux manufactures d’État ou aux ateliers privés. Ils se tournent alors vers des femmes de leur premier cercle (épouse, sœur, mère).

Considérées comme des « ouvrages de dames » ces œuvres ont été peu collectionnées par les musées français et se trouvent aujourd’hui surtout en Hollande, au Danemark, en Allemagne, ou dans des collections privées. Il s’agit donc de présenter une sélection de pièces textiles rares souvent plus vues en France depuis un siècle.

Aristide Maillol, Émile Bernard, Paul-Élie Ranson, Fernand Maillaud, Jean Arp, Paul Deltombe, Jean Lurçat, Henri de Waroquier, Roger Bissière, etc. Plusieurs des artistes exposés sont d’ailleurs des chevilles ouvrières de la Rénovation de la tapisserie, à travers le travail textile de femmes intimes.

POURQUOI CETTE EXPOSITION ?
Par Bruno Ythier, Conservateur de la Cité de la tapisserie

Cette présentation est totalement inédite, car c’est la première fois que sont rassemblées autant d’œuvres brodées d’artistes de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle. Nombre des brodeuses, épouses ou mères de ces artistes, ont consciemment ou pas, préparé la Rénovation de la tapisserie au XXe siècle.

À la fin du XIXe siècle, la tapisserie de lisse ne répondait pas aux aspirations des avant-gardes artistiques qu’étaient le postimpressionnisme ou le mouvement Nabi. Depuis les années 1875, artistes et critiques voulaient rénover cet art décoratif et lui faire quitter l’influence des peintres au profit des architectes et des décorateurs. À cette époque, plusieurs expositions de tapisseries anciennes, médiévales et Renaissance, montraient leur simplicité formelle, leurs couleurs franches. Elles permettaient de mesurer des siècles d’évolutions techniques, vers toujours plus de finesse, de variété de coloris, de manière picturale.

Si les pouvoir publics souhaitaient donc réformer l’art de la tapisserie, ils ne pouvaient que peu intervenir dans la manière de tisser, car celle-ci était l’apanage des lissiers veillant jalousement sur leurs prérogatives. Ainsi toute une filière était organisée autour de la finesse (9 à 10 fils de chaîne par cm). L’intervention de l’administration des Beaux-Arts se portait principalement sur le choix des artistes et l’iconographie.

Les artistes de l’école de Pont-Aven, les Nabis, comme Émile Bernard, Aristide Maillol ou Paul-Élie Ranson étaient fascinés par la tapisserie médiévale. Ayant changé l’écriture de l’estampe et révolutionné l’art de graver, ils allaient faire de même avec la tapisserie. Bernard débuta dès les années 1880 ; Maillol prit le sujet à bras le corps et créa même ses propres teintures. Grâce au travail de leurs compagnes ou mères brodeuses, ils retrouvaient, enfin ce très gros grain que les lissiers contemporains, d’où qu’ils fussent, ne pouvaient leur réaliser et que de toute façon, les artistes n’avaient pas les moyens de financer.

Il y eut les époux Maillaud et le peintre Jean Lurçat dont l’épouse Marthe Hennebert, lui fit percevoir le potentiel architectural et monumental du textile. Il y eut les époux Deltombe, amis du Directeur de l’École Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson, Antoine Marius Martin. Ce dernier, arrivé à Aubusson en 1917, voulait non seulement renouveler les artistes, mais aussi totalement repenser la façon de tisser. Ce graveur postimpressionniste appréciait beaucoup les interprétations d’Yvonne Deltombe aux couleurs véritablement réduites, aux formes affirmées, au grain de tissage trois fois plus gros qu’en tapisserie de lisse. Sa révolution technique à Aubusson ne se fit pas sans mal : le conseil Municipal vota une motion demandant sa destitution et le député Camille Bénassy protesta contre ses méthodes qui détruisaient le savoir faire des peintres et  des ouvriers aubussonnais dont il a ruiné l’école par ses prétentions à rénover l’industrie de la tapisserie.

Les broderies ne représentaient qu’une part de la production de ces artistes mais ils la considéraient comme ayant eu une grande influence, voire ayant été un tournant dans leur carrière.

Ces collaborations intimes entre artistes et leur mère ou épouse, ont mobilisé la technique de la broderie au plus près de la pensée créatrice. Cette connivence était fondamentale pour réussir l’interprétation du projet initial vers le textile. Les musées et amateurs d’Europe du Nord l’ont bien compris et ont largement collectionné ces broderies d’artistes. La France a hélas trop souvent considéré ces pièces comme des ouvrages de dames, sans en comprendre l’importance artistique.

Infos pratiques

PREMIÈRES DE CORDÉE,
Broderies d’artistes, aux sources de la Rénovation de la tapisserie

17 juin - 23 sept. 2018, Centre culturel et artistique Jean-Lurçat, Aubusson

Le billet d'entrée à la Cité internationale de la tapisserie donne accès à l'exposition du Centre culturel et artistique Jean-Lurçat.

"Premières de cordée", 17 juin-23 sept. 2018 (communiqué)

26.04.2018

La première tapisserie Tolkien exposée à la Cité (communiqué)

23.04.2018

"Le Monde de Tolkien", France 3 Limousin, Le 12/13, 07 avril 2018

France 3 Auvergne, Tolkien débarque à la Cité de la tapisserie

Week-end Patrimoine à la Cité de la tapisserie, TF1, Journal de 13h du 07 avril 2018

Partners

Fondation d'entreprise AG2R La Mondiale pour la Vitalité artistique

La Cité de la tapisserie, est soutenue par la Fondation d'entreprise AG2R La Mondiale pour la vitalité artistique, pour l'acquisition d'une maquette de tapisserie de l'artiste vidéaste Clément Cogitore, ainsi que pour le tissage de la première tapisserie d'après les œuvres graphiques originale de J. R. R. Tolkien, Bilbo comes to the Huts of the Raft-Elves. Créée en février 2017, cette fondation d'entreprise dédiée au mécénat culturel s'engage en faveur des territoires, pour la préservation du patrimoine culturel régional, matériel et immatériel, la valorisation de la création contemporaine, ainsi que la promotion des métiers d’art.

Aubusson weaves Tolkien

Tolkien the illustrator

By Jean-François Luneau, lecturer and researcher in the History of Art at the University of Clermot-Auvergne in France.

John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) is not only the author we all know, but he was also a talented illustrator. Many of his writings published when he was alive are accompanied by his illustrations.

As of 1920, Tolkien got into the habit of sending his children a letter signed by Father Christmas himself every year. These letters were accompanied by one or more wonderfully detailed illustrations that depicted the story told by Father Christmas. In 1926, he illustrated the Northern lights in the Land of Father Christmas. Two years later, he depicted a Clumsy Polar Bear helping Father Christmas prepare the Presents. In 1933, he wrote and illustrated the story telling of Father Christmas quietly sleeping in his newly decorated bedroom, while his loyal polar bear, helped by red elves, chased the goblins who invaded the cave where the presents were being prepared..

This child-friendly art is obviously not the most famous of Tolkien’s works: we are more familiar with his stories set in Middle-earth. Drawing on the influence of epic poems from Anglo-Saxon literature (such as Beowulf), the Icelandic or Norwegian Sagas, the Icelandic Eddas collection, the Finnish Kalevala or certain William Morris novels, Tolkien creates a fantasy world within the fertile setting of Middle-earth, which recalls the fertile setting of Brittany.

It is here, in this setting, teeming with figures and myths, that Tolkien brings his characters to life. In the same way that you pull on a yarn of wool to undo the ball, Tolkien unravels their stories, even if it means returning to the initial skein and adding to it to tie it in with the great finished novels such as The Hobbit or The Lord of the Rings.

Several of Tolkien’s illustrations accompany the birth and growth of Middle-earth, depicting its geographical originality. The works that refer to different episodes are also a pretext for presenting the landscapes. The Halls of Manwë on the Mountains of the World above Faërie, drawn in 1928, represents Taniquetil, the High Shining White Peak dominating the Pelóri mountains, those towering mountainous defences that protect the Eastern borders of Valinor, country of the Valar. The mansion of the first Valar, Manwë, is perched on its summit where he reigns with his wife, Varda. The Taniquetil is certainly one of those ‘mountains seen far away, never to be climbed’ that Tolkien evokes in one of the letters to his son Christopher (Letter 96).

Beleriand, on the Western edge of Middle-earth, is where the events of the First Age take place. Lake Mithrim is situated in North Beleriand, in Hithlum. It is here, on the shores of the lake, that Fëanor wins the second battle against the armies of Morgoth, also called the Battle under the Stars. Glaurung sets forth to seek Túrin is one of the final episodes of The Lay of the Children of Húrin, written between 1918 and 1925, which ends in the death of the dragon Glaurung and the suicide of Túrin. This first dragon created by Morgoth, a fallen Valar, is as feared for the fire he breathes as for the bewitching words he speaks and his hypnotic lidless eyes.

Beleriand disappears at the end of the First Age, submerged after the fall of Morgoth and the ensuing cataclysm. The fate of Númenor Island, on the west side of the World, between Valinor and Middle-earth, is no better. It is a kingdom founded by men that sinks into the sea at the end of the Second Age. In the Third Age, its past splendour is but a memory, just like the Númenorian Carpet, where the geometrical perfection of the shape reflects the kingdom at its birth.

Tolkien provided illustrations for The Hobbit, a novel published in 1937, from the very first editions. Sometimes the drawings were in black and white, like The Trolls, whose air of stupidity disappears against a dark forest background magnified by the monochrome effect. As with some of the works mentioned above, the human characters often blend into a spectacular landscape. Rivendell and its Last Homely House evokes the scenery of the Swiss Alps. In Bilbo Woke Up with the Early Sun in His Eyes and Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves, the majesty of the landscapes eclipses the figures of Bilbo asleep, or of the dwarves as burlesque victors perched on barrels. Lastly, in Conversation with Smaug, a dragon with a keen sense of smell and as talkative as he is dangerous, Tolkien chose the moment when Bilbo greets him: ‘Oh Smaug the Chiefest and Greatest of Calamities’.

In The Lord of the Rings, an epic novel that follows on from The Hobbit and was published in 1954-55, Tolkien explains why the elves left Middle-earth at the end of the Third Age. The Forest of Lothlórien in Spring illustrates the ‘land of Lórien’, where in Frodo’s eyes, ‘there was no stain’: a forest outside of space and time, and populated with mallorns, those trees with golden leaves.

As for The Tower of Orthanc rising at the centre of the Ring of Isengard, a region offered for safe-keeping to Saruman by the steward of Gondor, the illustration by Tolkien may actually be less scary than the text itself.

Tolkien’s rich Middle-earth setting provided him with the substance to weave long narratives and create several texts – a name also given to fabrics according to a multimillenial metaphor. And now, Tolkien’s illustrations will be woven into a tapestry wall-hanging. Whether they be epic or comic in nature, or just simple landscapes, Tolkien’s illustrations are ideal for being transposed into tapestry. As we cannot visit the palace of Théoden in Edoras, whose walls are adorned with tapestries narrating the deeds of the ancestor of the Rohan knights, Eorl the Young, we can at least admire the woven memory of Tolkien’s fantasy world.